Au cours du mois d’avril, la conjoncture a entraîné un changement rapide et significatif dans l’orientation des places financières et l’attitude des investisseurs. Ces derniers ont ajusté leur anticipation : le découplage des trajectoires de politique monétaire entre la Banque Centrale Européenne et la Réserve Fédérale américaine. Une inflation qui repart à la hausse aux Etats-Unis sous fond de résistance de l’économie et une désinflation toujours progressive en Europe sous fond de croissance atone plaident en faveur d’une trajectoire divergente sur les taux. La première baisse de taux pourrait intervenir en juin en Zone Euro et à l’automne outre-Atlantique. Les anticipations de décembre 2024 étaient trop optimistes quant aux baisses de taux des deux côtés de l’Atlantique. Ainsi, les rendements obligataires se sont envolés et sont revenus sur leur plus haut depuis la fin d’année 2023. L’OAT française repasse le seuil des 3%. Le 10 ans américain avec 4.68% se redirige avec son plus haut historique depuis la crise de 2008 (5%).
L’ensemble des places boursières a donc subi ce désenchantement sur les taux, avec en premier dommage collatéral les segments les plus « croissance » (i.e. sociétés dont la croissance des bénéfices est supérieure à la moyenne du marché), à savoir la technologie et la consommation discrétionnaire. Le Nasdaq perd -4.5%, le MSCI World Technologie -5.7%. À l’inverse, l’énergie, un des secteurs les plus « value » (valeurs décotées et/ou délaissées), porté par les tensions géopolitiques et le déséquilibre offre/demande. Les principaux indices finissent donc le mois dans le rouge. À l’exception de la Chine qui termine le mois à +6.1%, porté par un début de retour des flux.
La saison de résultats s’est dans l’ensemble bien déroulée. Les valorisations restent élevées, notamment aux Etats-Unis. La volatilité, toute relative cependant, restera de mise aussi longtemps que l’incertitude sur la trajectoire des taux perdurera. Ce mois d’avril nous rappelle que les anticipations des investisseurs ne font pas loi : l’euphorie observée sur les taux en décembre n’était clairement pas en phase avec les perspectives économiques.




Le mois d’avril nous montre qu’une divergence de politique monétaire entre la Zone Euro et les Etats-Unis pourrait avoir lieu d’ici le second semestre 2024. Et ceci se justifierait par la divergence des situations économiques. Outre-Atlantique, nous avons une économie relativement dynamique, malgré une croissance du PIB largement en-dessous des attentes sur le 1er trimestre, et une inflation qui repart à la hausse. La capacité des consommateurs à soutenir la croissance économique s’amenuise, sans pour autant s’effondrer (la confiance du consommateur diminue mois après mois).
La Banque Centrale Européenne pourrait donc assouplir sa politique monétaire avant la Réserve Fédérale américaine. C’est le scénario que les marchés financiers commencent à entrevoir. Cependant, l’exercice pourrait être difficile : une trop forte divergence des taux directeurs pourrait renchérir le dollar et donc renchérir les importations et créer in fine des pressions inflationnistes en Zone Euro.
Les dernières publications aux Etats-Unis ravivent le scénario de stagflation : une croissance du PIB atone (publication du 1er trimestre très décevante) et une inflation élevée (surprise à la hausse de l’inflation pour la troisième fois d’affilée). Les enquêtes d’activité indiquent un ralentissement de la dynamique de croissance à venir (baisse des PMI). Ces chiffres seront à surveiller sur les prochaines semaines.
De timides signes d’amélioration de la conjoncture sont observés en Chine. La croissance du PIB au 1er trimestre a été publiée à un taux nettement supérieur aux attentes (5.3% en annualisé). Cependant, la confiance du consommateur reste faible : sans elle, il sera difficile de voir l’économie chinoise repartir franchement. La crise du secteur immobilier (60% du patrimoine des Chinois) combinée à des marchés contre-performants continuent d’affecter le moral des consommateurs chinois. De nouvelles mesures d’aide plus vigoureuses de la part des autorités seraient probablement nécessaires pour aider la consommation et donc voir un rebond durable de l’économie de l’Empire du Milieu.


Document achevé de rédiger le 6 mai 2024 par le Cabinet OFFICINA et à destination unique des particuliers.